La Slovénie : un vrai miracle é conomique ?
- 31/03/2013
La Slovénie : un vrai miracle é conomique ?
Afin que personne qui lira ces lignes ne s’imagine qu’il s’agit d’un article anti-Slovène, je dois le pré ciser. Non, il ne s’agit pas d’un article contre les Slovènes, qui me sont de toute façon, très sympathiques en partie parce qu’ils é taient d’excellents Tchetniks.
Cet article dé nonce la connerie Serbe.
Par Miloslav Samardzic
Comme tout le monde, j’ai pu constater dans les premières pages des quotidiens belgradois les records d’affluence au Merkator, premier centre commercial slovène depuis les guerres des anné es 1990 ouvert il y a peu dans le quartier du Nouveau Belgrade. En même temps, mais pas dans les premières pages, un article se penchait sur le refus opposé à l’entreprise serbe Delta d’ouvrir un centre commercial comparable à Ljubljana1. Au contraire de promesses passé es, jusqu’à ce qu’ils aient obtenu un emplacement straté gique à Belgrade pour leur Merkator, les Slovènes avaient proposé à son é quivalent serbe diffé rents emplacements tellement peu avantageux dans la banlieue de Ljubljana, que Delta les refusait. Ensuite, on y apprenait que même pendant le premier mois après l’ouverture officielle, le Merkator ne respectait pas les termes du contrat concernant l’approvisionnement des rayons, puisqu’il é tait pré vu qu’y seraient pré sents des produits fabriqué s en Serbie, ce qui est loin d’être le cas.
C’est ainsi que je me suis souvenu de ce qui m’é tait arrivé il y a une quinzaine d’anné es. Pour l’é dition du mois de mai 1988, quand Pogledi n’é tait encore qu’un journal é tudiant, nous é tions en train de travailler sur le thème : ” Les Serbes et les Slovènes “. A l’é poque, cette thé matique é tait d’actualité . Nous sommes donc entré s en contact avec un journal d’é tudiants Slovènes de Ljubljana, La Tribune. Je ne me souviens plus qui a le premier initié le contact, mais j’ai conservé les quelques articles que j’avais é cris sur le sujet. Ils é taient inté ressé s par des articles sur les Serbes, surtout si les Serbes pouvaient apparaitre sous un jour né gatif : la collaboration ne pouvait donc pas durer é ternellement. Elle a d’ailleurs é té interrompue tout de suite après la publication de cette thé matique.
D’un commun accord, nous devions é crire chacun de notre coté trois textes sur les relations entre les Serbes et les Slovènes afin que ces six articles soient publié s simultané ment dans La Tribune et Pogledi. Cependant, quand les slovènes ont reçu nos articles, après avoir quelque peu tergiversé , ils ont finalement renoncé à les publier. Au final, nous, nous avons publié nos articles dans Pogledi, tandis que cette thé matique n’a même pas é té é voqué e dans La Tribune.
Mais qu’est ce qui a bien pu dé plaire aux Slovènes pour agir ainsi ? Je suis convaincu qu’il s’agissait de la ré ponse à la problé matique fondamentale : comment s’est enrichie la Slové nie ?
Dans les ouvrages spé cialisé s de la bibliothèque de l’Université de Kragujevac, où j’é tudiais à l’é poque, j’é tais tombé sur des donné es qui ne m’ont pas qu’un peu surpris. Les statistiques montraient que l’ouvrier moyen Serbe é tait bien meilleur que le Slovène. La comparaison de la rentabilité des agriculteurs n’avait pas lieu d’être2. Pourtant, l’é conomie slovène s’é loignait à vue d’ceil de la serbe
Comment en est on arrivé là ? Pour mé moire, remé morons nous les arguments habituels à cette é poque.
D’après l’Histoire officielle3, dans l’entre deux guerres, la ” bourgeoisie grand Serbe ” exploitait sans vergogne les ré gions non Serbes du pays, la Slové nie y compris4. Pourtant, puisque le nord du pays avait é té sous occupation Austro-hongroise, et le sud sous occupation Turque, ” l’exploitation grand Serbe ” de l’entre deux guerres ne pouvait pas avoir modifié si rapidement l’é tat des lieux datant d’avant la ré unification de ces deux peuples dans un seul pays. Cette situation a d’ailleurs perduré durant l’ère socialiste.
L'” Institut pour l’analyse et la pré vision é conomiques ” de la ville de Maribor, en Slové nie, a publié le communiqué suivant en 1988 : ” Tous les indicateurs d’efficacité é conomique sont à de meilleurs niveaux que dans d’autres ré gions du pays : la productivité dans l’industrie, la productivité du capital, l’utilisation des capacité s industrielles, la rentabilité des investissements, l’utilisation du temps de travail
“.
A un sondage pour la revue NIN pour savoir qui est exploité , qui est exploiteur en Yougoslavie, la plupart des Slovènes interrogé s ont donné ce panel de ré ponses pour expliquer qu’ils é taient les exploité s : ” Nous travaillons mieux, nous travaillons plus, nous sommes ponctuels aux heures de travail, nous sommes plus intelligents
“. Cet é tat d’esprit est d’ailleurs toujours pré sent puisque, dans son numé ro de dé cembre 2002, la revue slovène Delo a publié un article expliquant que les Serbes ont peur de l’arrivé e des bons commerciaux slovènes et que c’est pour cette raison, d’après eux, que les Serbes ” font campagne ” contre leur Merkator. Mais pas un seul mot du non-respect des clauses du contrat signé par l’entreprise slovène
Pour en revenir à mon texte publié en mai 1988 dans Pogledi, je me suis inté ressé de savoir quelle é tait la situation pré cèdent l’unification de nos deux peuples, c’est-à-dire avant 1914.
Il s’avé rait qu’on ne pouvait pas comparer les performances ré alisé es dans des structures dé mocratiques, puisque l’Autriche Hongrie é tait un empire basé sur la dictature. Mais pour passer outre cet é lé ment fondamental, les Slovènes nous jouent un petit tour de passe-passe, qui consiste à dire qu’ils sont de tradition occidentale, alors qu’en fait ils appartiennent à l’Europe Centrale. D’ailleurs, les vraies socié té s dé mocratiques occidentales comme la France et le Royaume Uni prenaient au sé rieux uniquement leurs relations avec la Serbie, de tout les Slaves du Sud ré cemment unis. De plus, la Serbie peut se targuer d’avoir eu un niveau enviable de dé mocratie en cette anné e 1914.
Je citerais trois arguments.
Tout d’abord, la Serbie avait le deuxième meilleur taux d’alphabé tisation au Monde, juste derrière Paris (c’est-à-dire devant celui de la France !). Ensuite, la liberté de la presse é tait à un niveau é tonnement é levé . Pour l’exemple, juste avant la visite officielle du Roi Pierre 1er de Serbie à la Russie, on pouvait lire dans le ” Journal des ouvriers ” : ” que le Roi s’en aille, qu’il parte et ne revienne pas, on ne sait que faire de lui !”. Il existait une grande liberté d’é dition d’ouvrages litté raires. Le livre ” La Serbie et l’Albanie ” de Dimitri Toutsovic de janvier 1914 ne lui a pas valu d’être dé gradé de son rang d’officier de ré serve5.Ce n’é tait même pas le cas lorsque, au tout dé but de la Première Guerre Mondiale, quand la botte Austro-hongroise occupait dé jà le sol de la Serbie, le Parti Socialiste qu’il dirigeait avait voté contre l’attribution de lignes budgé taires supplé mentaire à l’armé e, se dé clarant ainsi contre la guerre. A l’inverse, la plupart des partis socialistes d’Europe avaient soutenu la guerre.
Enfin, le parti Anarchiste avait une existence lé gale en Serbie ! Jusqu’alors, ce n’é tait pas le cas ailleurs dans le Monde, pas plus depuis.
La comparaison avec la Slové nie du niveau d’instruction ou de connaissance scientifique ne pouvait pas non plus être faite, puisqu’ils ne disposaient ni d’é tablissements scolaires, ni d’instituts de sciences. Leur premier lycé e a é té construit en 1918 par le Roi Alexandre 1er Karadjordjevic, peu après l’unification du Royaume des Serbes des Croates et des Slovènes.
Le seul domaine ou la comparaison est possible, c’est l’industrie. La Serbie avait dé jà plus d’un demi siècle de tradition industrielle, avec, en tant qu’Etat indé pendant, un tissu é conomique autosuffisant, ce qui é tait la norme d’un Etat dé veloppé au dé but du XXème siècle. Par contre, la Slové nie, ré gion la plus petite de l’Empire Austro hongrois, ne disposait que ce dont l’é conomie centralisé e à Vienne avait besoin : des ateliers d’exploitation du minerai et des bois essentiellement.
En ré sumé , la Slové nie é tait dé pendante d’une é conomie é trangère et n’é tait qu’un des rouages de celle-ci, tandis que la Serbie é tait autonome et indé pendante, tant sur le plan politique qu’é conomique.
Le premier grand rapprochement des Slovènes avec les Serbes, vu sous l’angle é conomique, leur a é té possible grace à la Première Guerre Mondiale.
A la diffé rence de la Slové nie, la Serbie a eue d’é normes pertes humaines et maté rielles à la signature de l’armistice. Après l’union avec les Croates et les Slovènes, les hommes politiques Serbes ont eu l’idé e de cré er un impot spé cial pour venir en aide aux ré gions saigné es à blanc par la guerre. Mais, devant le tollé provoqué par ce projet chez les Croates et les Slovènes, ils ont é té contraints de l’abandonner.
Le deuxième grand pas dans l’industrialisation de la Slové nie a é té franchi dans l’entre deux guerres. D’après une é tude statistique ré alisé e en 1938 dans l’industrie entre 1918 et 1938 au Royaume de Yougoslavie, sur mille habitants, on investissait 697 000 Dinars dans l’industrie Slovène, 281 000 Dinars dans l’industrie de Serbe (incluant la Vojvodine ; sans la Vojvodine : 247 000 Dinars). En d’autres termes, le Royaume de Yougoslavie investissait presque trois fois plus en Slové nie qu’en Serbie. Cependant, cela n’avait pas l’air d’être suffisant à la pauvre petite Slové nie pour se dresser sur ses pieds puisque, juste avant la Seconde Guerre Mondiale, le flux de main d’ceuvre allait à sens unique de Slové nie vers la Serbie, et non l’inverse.
Un autre grand pas dans la tentative de rattrapage de l’é conomie Serbe a é té franchi par les Slovènes au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, qui s’est dé roulé e, comme pour la Première, sans destruction Nazi sur leur sol. Cependant, cette guerre a apporté quelque chose de fondamental aux Croates et aux Slovènes : un pouvoir absolu et totalitaire de leurs compatriotes sur toute la Yougoslavie. Bien qu’ils aient toujours accusé les Serbes d’en être les coupables, le système stalinien est arrivé dans l’Etat commun avec l’arrivé e de cadres croates et slovènes. Staline les a proté gé , se servant de leur zèle pour obtenir l’é radication, non seulement de la socié té dé mocratique serbe, mais aussi des socialistes serbes. Comme un clin d’ceil à ceci, le dictateur suprême Josip Broz Tito é tait d’origine slovène et croate pour moitié . Ces Slovènes ont mis leur pouvoir en pratique immé diatement. Ils ont pillé la Serbie, n’attendant même pas que les canons se taisent sur tous les fronts. De la ville de Rakovitsa, ils ont dé monté la fabrique de camions pour la remonter à Maribor, en Slové nie, cré ant ainsi la marque de camions TAM. De la ville de Leskovatse ont é té dé monté les meilleurs ateliers textiles afin de confectionner les vêtements de la marque Rachitsa nouvellement cré é e en Slové nie. Ils s’emparent de la fabrique de turbines à Nish. Ils ont é té jusqu’à dé monter la cloture dé corative en fer forgé qui entourait le Parlement à Belgrade, pour la remonter quelque part en Slové nie.
On ne connait pas avec exactitude l’ampleur du pillage (il est aussi question d’ceuvres d’art), même si aujourd’hui encore, quelques adresses à Ljubljana sont connues pour receler des pièces uniques, autrefois produites par des artistes en Serbie pour satisfaire les besoins et les dé sirs de particuliers ou institutions en Serbie.
Quelle est la valeur du pré judice subit ? A combien peut on estimer les indemnité s de dommages et inté rêts pour, par exemple, le vol d’une usine de production de camions ?
La dernière phase de l’accession au dé veloppement est arrivé e. Les Slovènes ont, é videmment, plus investi en Slové nie qu’en Serbie, mais dans les proportions suivantes : sur la pé riode 1952 1983 la moyenne annuelle des investissements bruts par habitants s’é tablissait en Slové nie à 5 313 Dinars ; en Serbie à 3 005 Dinars. Donc, les investissements Yougoslaves é taient de 80% supé rieurs en Slové nie à ce qu’ils é taient en Serbie, alors qu’entre deux guerres, rappelons-le, l’Etat commun investissait trois fois plus en Slové nie qu’en Serbie (c’est-à-dire + 300% !!!).
En d’autres termes, les Serbes investissaient bien plus en Slové nie que ne le faisaient les Slovènes eux-mêmes, une fois aux commandes de la Yougoslavie. Par quel biais le faisaient-ils ?
Jusqu’en 1965, existait un Fond d’Accumulation Central dans lequel é tait versé le chiffre d’affaire de toutes les entreprises de Yougoslavie, puis, avec l’approbation du Parti Communiste, la plus grande part é tait redistribué e en Croatie et en Slové nie.
De toute façon, sous le ré gime communiste, les cadres slovènes du Parti é taient ceux que l’on consultait le plus souvent pour tout ce qui touchait à l’Economie : dans les anné es 1950 Boris Kidritch ; dans la conception et la ré alisation des ré formes é conomiques en 1965, Boris Krajger ; et, enfin, pour le changement de Constitution en 1974 et pour la loi sur le travail collectif en 1976, le dé traqué Edward Kardelj. (D’ailleurs, les Slovènes n’ont dé boulonné aucun monument à l’effigie de ces anciens dignitaires communistes, ce qui n’est guère é tonnant puisque leurs gouvernants actuels sont d’anciens leaders du PCY d’hier : Milan Koutchane, Janez Drnovchek). Leur ré gime protège même l’ancien chef de la police politique OUDBA Mitja Ribicic qui, comme son compère serbe Slobodan Penezic avaient pour devoir de mettre en place la deuxième phase de la ” ré volution ” qui consistait à ré duire au silence tout ennemi, ré el ou potentiel, du ré gime yougoslave, où qu’il soit dans le Monde.
Mais, en 1965, les communistes Slovènes, ne manquant pas d’imagination, souhaitent remplacer le Fond d’Accumulation Central par la politique de ” la cisaille des prix “. En fait, il s’agissait tout simplement d’é tablir une règle en vertu de laquelle tout ce qu’ils ” importaient ” de Serbie avait des prix gelé s et fixé s par la loi, tandis que toute la production qu’ils arrivent à placer en Serbie é tait à prix libre ! Bien entendu, ils interdisaient aux entreprises Serbes d’exporter leurs produits à l’é tranger à des conditions plus inté ressantes, afin de pouvoir être l’intermé diaire des transactions et pré lever une commission au passage. Ainsi, d’é normes quantité s d’argent frais se dé versaient de Serbie en Slové nie !!!
Mais pourquoi n’ont-ils pas employé cette mé thode avant 1965 ? Tout simplement parce que jusqu’alors, ils ont du se constituer (par la mé thode expliqué e plus haut) un complexe industriel permettant la fabrication de produits finis à plus grande valeur ajouté e que la production de matière première. Mais malgré tout ça, les ouvriers Serbes ont continué à être meilleurs que les Slovènes. A vu d’ceil cela semblait être l’inverse puisque la Slové nie se dé veloppait bien plus vite, ce qu’ils expliquaient par n’importe quelle raison sauf la vé ritable.
Cette vé ritable raison est la suivante : durant toute la pé riode 1953 1984, la productivité du travail a é té la plus forte en Serbie (4,4%) tandis que la Slové nie ne se situait pas en seconde, mais en troisième position avec 4,1%. Cependant, au terme de notre vie commune, la ré alité que les ouvriers serbes é taient meilleurs que les slovènes é tait inconnue des Serbes eux-mêmes. Et si quelqu’un le leur avait ré vé lé , ils ne l’auraient vraisemblablement pas cru, vu le lavage de cerveau qu’ils ont subi pendant plusieurs dé cennies.
Janvier 2003
1. Capitale de la Slové nie, Note du Traducteur.
2. La Serbie a une tradition agricole très marqué e, et, compte tenu du relief très favorable à l’agriculture, il ne peut y avoir de comparaison avec la Slové nie, pays très montagneux et peu fertile. Note du Traducteur.
3. Histoire é crite sous le ré gime communiste depuis 1945 (Note du Traducteur).
4. Pour rappel, la Yougoslavie a é té cré é e en 1918, sous la forme d’un Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes, sur laquelle ré gnait le Roi Serbe Alexandre Ier Karadjordjevic (Note du Traducteur).
5. Il avait é crit que la Serbie avait envahi le Kosovo au sortir des guerres Balkaniques de 1912. Pourtant, ces guerres é taient des guerres de libé ration du joug Ottoman, et le Kosovo é tait depuis très longtemps appelé ” Province de la Vieille Serbie “. Note du Traducteur.
Slobodan Kostadinovic