Sous la mosquée – une église Orthodoxe Serbe
- 31/03/2013
Découverte Archéologique à Bijelina (en République Serbe de Bosnie)
Sous la mosquée – une église Orthodoxe Serbe
Texte et photos : Miloslav Samardzic

Fouilles dans le centre de la ville de Bijelina. Dans le fond de la photo, la ligne blanche représente le sol de l’Eglise, et la couche de terre rouge est celui de la mosquée.

Le sol de l’Eglise (couche blanche) sous une cinquantaine de centimètres de terre, puis, au dessus, les restes du sol de la mosquée.

Une des stèles découvertes. Le texte est gravé en langue Serbe et en alphabet cyrillique ancien, qui, depuis la réforme de la langue Serbe par Vouk Karazic (en 1818 par la publication d’un “Dictionnaire de langue Serbe”), est difficilement compréhensible. Les linguistes appellent aujourd’hui cette langue la “rédaction Serbe de la langue des slaves anciens”. A cette époque il n’existait que trois types de “rédactions”: la Russe, la Bulgare et la Serbe.
Quand des travaux ont commencé pour la reconstruction d’une mosquée détruite durant la guerre civile en 1993, on a découvert les fondations d’une Eglise Orthodoxe que les Ottomans avaient rasé en 1530.
L’année 2002 restera dans les annales de l’archéologie Serbe grâce à deux découvertes fondamentales. Tout d’abord on mit à jour dans le centre ville de Nis les vestiges d’un village Serbe du XIIème siècle. Ensuite, dans le centre-ville de Bijelina, un grand nombre de pierres tombales Serbes datant du XIIIème et XIVème siècle sont découvertes, ainsi que les fondations d’une Eglise Orthodoxe. La seconde découverte a été faite quelques jours après le 2 décembre 2002, date à laquelle débutaient les travaux de reconstruction d’une mosquée, détruite au cours de la dernière guerre civile, en 1993. Dés que les pelleteuses ont commencé à creuser, d’autres fondations ont été mises à jour, sous celles de la mosquée, construites avec un grand nombre de pierres tombales sur lesquelles étaient gravées des inscriptions en langue Serbe et en alphabet cyrillique Serbe. En fait, la méthode employée par les Ottomans lors des invasions de l’Europe est inscrite dans l’Histoire du Monde. En terrain conquis, les Ottomans (qui deviendront les Turcs) rasaient les églises, ou, plus rarement, les transformaient en mosquées. L’exemple le plus emblématique est la Basilique Sainte Sophie à Istanbul devenue mosquée. En Serbie, dans la ville de Tchatchak (“Gradina” au Moyen Age), les Ottomans ont “transformé” l’Eglise fondée par Stratsimir, le frère d’Etienne Nemanja, le fondateur de la dynastie Serbe des Namanjic au XIIème siècle (près de quatre siècle plus tard, après la libération du joug Ottoman, à partir du XIXème siècle, l’inverse se produira). Cette découverte à Bijelina montre que les Ottomans n’ont pas seulement rasé des Eglises Orthodoxes mais aussi des cimetières : en clair, ils détruisaient toute trace d’une civilisation conquise. S’en est suivie une islamisation contrainte des autochtones, en l’occurrence, dès la prise de la ville de Semberija en 1530. Aujourd’hui il est de notoriété publique que cette trouvaille n’était pas une exception. En fait, sous beaucoup de mosquées, actuellement en reconstruction en République Serbe de Bosnie sur décision des administrateurs internationaux, se trouvaient les fondations d’églises Orthodoxes et des pierres tombales portant des inscriptions en cyrillique, l’alphabet employé par les Serbes. C’était aussi le cas sous la mosquée la plus célèbre de la région : la Ferhadija, à Banja Luka, dont la reconstruction a été arretée sous la forte pression de la population locale exercée auprès des autorités. Malheureusement, tous les vestiges de cette découverte datant de l’époque précèdent l’occupation Ottomane sont maintenant détruits sans que la moindre trace subsiste, tandis que leur existence a été soigneusement cachée de l’opinion publique. Dans la pratique, il n’y a que dans le cas de la mosquée de Bijelina que l’issue est différente “grâce à des gens de bonne volonté” comme l’a déclaré pour notre journal Mr Mirko Babic, archéologue et directeur du Musée de Semberija. Les bulldozers ont été stoppés à la dernière minute, alors que, déjà des camions transportaient une partie des stèles découvertes à la décharge publique. Depuis, la décharge est aussi sous surveillance jusqu’à ce que l’on procède à des études et analyses des découvertes. La Communauté Internationale a décrétée un nouvel état des lieux à Bijelina. Les travaux de reconstruction de la mosquée sont suspendus et la zone décrétée zone de fouille archéologique et placée sous protection policière. Il s’agit actuellement de la plus grande découverte en République Serbe et en Bosnie Herzégovine. Malgré le fait que plus de 70 000 stèles datant du Moyen Age ont été déterrées sur le territoire de la Bosnie Herzégovine, de la Serbie, du Monténégro, et de la Dalmatie, seules 325 ont été conservées. Ainsi, à Bijelina, 9 épitaphes ont été découvertes pour l’instant alors qu’on estime leur nombre à au moins une trentaine ce qui augmenterait de 10% le total des vestiges Serbes du Moyen Age sauvés de la destruction. On peut démontrer l’importance capitale de la découverte par le fait que toutes les autres fouilles archéologiques qui avaient donné lieu à des trouvailles du meme type l’ont été sur des terrains rocailleux, tandis que la Semberija est située dans une plaine fertile sans le moindre caillou. Ce qui tend à montrer qu’avant l’invasion Ottomane, se situait dans cette région un grand village prospère. D’après l’ouvrage du Dr Vassa Gloushats, ces stèles avaient été fabriquées pour des bourgeois, les pauvres, quant à eux, ne pouvant enterrer leurs défunts que sous une simple croix en bois. Il n’y a aucun doute qu’après cette découverte, des voix s’élèveront pour affirmer que ces pierres tombales sont l’?uvre d’une secte appelée les “Bogomiles” et non celui des Orthodoxes Serbes. Il s’agit d’une idée fausse, voire meme d’une propagande datant du XIXème siècle à l’époque ou un historien croate, Franjo Ratchki a publié le livre “Les Bogomiles et les paterenes “. Le but poursuivi par cette négation de l’Histoire n’est plus à démontrer. Mr Mirko Babic considère que la proportion de Bogomiles dans la population de cette région au Moyen Age peut etre comparée avec, par exemple, la proportion de membres de la secte des Soubotari sur le nombre d’Orthodoxes Serbes dans cette meme région. Rappelons que la secte des Bogomiles avait pour credo la négation de la Croix et ne construisait pas d’églises et avait pour lieu de culte de simples huttes appelées “hijama” dont aucune n’a pu traverser les siècles. Cette affirmation est donc bien en contradiction flagrante avec les indices procurés par la découverte puisque sur chaque pierre tombale déterrée à Bijelina est gravée une croix et sur l’une d’entre elles on peut lire : “ci-gît Borislav Loutchic près de sa noble église”. Le voeu des citoyens de Bijelina est que soit ouvert une sorte de parc archéologique, à l’image du Musée National du Moyen Age aux Thermes de Cluny à Paris, et qu’un autre site soit choisi pour la reconstruction de la mosquée. Malheureusement, par manque de fonds, la poursuite des travaux de fouille est remise en question. D’après la loi, si, lors d’une construction, une découverte archéologique est mise à jour, c’est au commandeur des travaux de financer les fouilles, en l’occurrence la communauté musulmane. Les Serbes de Bijelina ne se faisant guère d’illusion quant à leur bonne volonté, le Gouvernement de la République Serbe et la municipalité de Bijelina ont pris le relais autant qu’ils le peuvent pour le financer la poursuite des fouilles. Mais, les fonds alloués étant bien insuffisants, le Musée de Semberija a été obligé d’alerter l’opinion publique. Nous appelons nos lecteurs à les aider autant que leurs moyens le leur permettent.
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